Le système de puits canadien a, semble-t-il, été évoqué pour la première fois par l'architecte Claude Micmacher dans le Manuel de Construction Rurale édité en 1977. Ce puits qui n'en est pas un (puisqu'il est horizontal) est également appelé puits provençal lorsqu'il sert à rafraîchir l'habitation. Il consiste à utiliser comme entrée pour la ventilation de la maison de l'air qui a préalablement circulé dans un tube enterré à une certaine profondeur. La température du sous-sol étant moins variable (moyenne voisine de 11°C) que celle de l'air extérieur (de -10 à +30°C sous nos latitudes), cela permet d'avoir une entrée d'air plus tempérée. En hiver, l'air est réchauffé avant de pénétrer dans la maison. En été, le puits canadien permet d'abaisser la température intérieure de quelques degrés. Le système doit être désactivé pendant les intersaisons afin de ne pas refroidir la maison alors que l'on recherche la chaleur. L'entrée d'air est alors directement prise sur l'extérieur sans passer par le puits canadien.
Il s'agit, en fait, du système de géothermie le plus simple qui soit, avec une consommation électrique réduite à la celle du ventilateur utilisé pour la circulation de l'air.
Le dimensionnement d'un puits canadien est assez délicat du fait du nombre de paramètres à optimiser : longueur, diamètre et nombre de tubes, profondeur d'enfouissement, distance entre les tubes, débit de ventilation. Les élèments de dimensionnement présentés ici ont pour but de proposer des critères objectifs pour le choix de ces différentes caractéristiques. Ce travail est basé sur des simulations numériques d'échange thermique par convection forcée dans un tube enterré. Ceci permet de mettre en évidence l'effet du diamètre, de la longueur, du débit volumétrique de la différence de température entre le sol et l'air entrant sur le flux thermique fourni par le puits canadien. Dans un second temps, nous présentons des simulations de flux annuel en fonction de la profondeur d'enfouissement de la gaine. Ceci permet de mettre en évidence les périodes d'apport de chaleur et/ou de fraîcheur au cours de l'année et la nécessité de coupure aux intersaisons. Enfin nous donnons quelques éléments pour le calcul des pertes charge aérauliques. Flux thermique en fonction de la longueur, du débit et du diamètre de la gaine La figure 1 montre le flux thermique récupérable pour une température du sol de 11 °C et une température de l'air de -5 °C en fonction de la longueur de gaine, du diamètre de la gaine (de 50 à 250 mm de diamètre par pas de 50 mm) et du débit d'air. Chaque courbe atteint de manière asymptotique un palier qui représente le flux maximal récupérable, étant donnée la différence de température air/sol. Le diamètre de la gaine influe essentiellement sur la longueur de gaine nécessaire pour atteindre le palier. Plus le diamètre est petit, plus la longueur nécessaire est faible . La valeur de ce palier est uniquement déterminée par le débit volumique de l'air. Nous verrons cet effet plus en détail dans le paragraphe suivant. La Figure 2 montre le flux thermique récupérable en fonction de la différence de température air/sol et du débit volumique. Pour les périodes où la température du sol est supérieure à celle de l'air, le flux est positif (réchauffement du bâtiment) Dans le cas contraire, le flux est négatif (rafraîchissement du bâtiment). On observe que le flux thermique augmente avec la différence de température sol/air et avec le débit. La Figure 3 montre l'évolution de la différence de température entre l'air extérieur et le sol au cours de l'année, pour différentes profondeurs d'enfouissement de la gaine. Plus la différence de température entre l'air de surface et le sol est élevée, plus le flux thermique apporté par un puits canadien est important. Cette différence évolue au cours de l'année et avec la profondeur d'enfouissement du sol. Flux thermique annuel A partir de la différence de température entre l'air extérieur et le sol, nous avons calculé le flux thermique récupérable au cours de l'année pour différentes profondeurs. Le flux thermique été considéré constant par durée de 1h. La Figure 4 montre l'évolution annuelle de la quantité de chaleur échangée entre l'air et le sol, pour une gaine de diamètre 100 et une longueur de gaine de 30 m. L'énergie échangée est exprimée en Wh. Nous avons considéré une période de chauffe du 15 octobre au 15 avril ainsi qu'une période de rafraîchissement du 15 juin au 15 août.
Il est intéressant de noter que durant les intersaisons (début du printemps et début de l'automne), le flux récupérable est négatif alors qu'il n'est pas nécessaire de rafraîchir le bâtiment ; au contraire, ces périodes nécessitent de conserver la chaleur dans le bâtiment. Il est donc préférable d'arrêter le fonctionnement de l'échangeur pendant ces périodes. |
Coupler un puits canadien avec une VMC ou une VMC double flux ? La figure 5 montre les gains thermiques annuels qu'il est possible d'obtenir avec différents systèmes de ventilation. Figure 5 : Comparaison du gain énergétique d’une ventilation double flux (VDF), un puits canadien (PC, prof.=2.5 m, L=30 m), et d’une ventilation double flux avec entrée d’air prise sur le puits canadien (VDF+PC). Pour ce dernier cas on précise l’apport de la VDF seule. L’ensemble des courbes correspond à un débit d’air de 90 m3/h. Le gain de chauffe annuel est donné par rapport à une ventilation mécanique de 90m3/h avec prise d’air extérieur. Le débit dans tous les cas est de 90 m3/h et le rendement de la VMC double flux est de 70 %. La consigne de température intérieure est de 20 ° (également pour l'été). Si nous ne tenons compte que des apports thermiques, la VMC double flux est le système le plus efficace pour réduire les besoins de chauffage. Mais, ses capacités de rafraichissement l'été sont bien moindres que celles d'un puits canadien. Quant à l'utilisation d'un puits canadien comme entrée d'air d'une VMC double flux, ce couplage fait perdre de l'efficacité de la VMC double flux en hiver et des capacités de rafraichissement du puits canadien en été. Le couplage VMC simple flux et puits canadien reste une solution peu couteuse, permettant de réduire de manière significative les déperditions liées à la ventilation, et d'apporter un rafraichissement notable en été (de l'ordre de 3 à 4°). Puits canadien : un moyen de réduire les déperditions induites par la ventilation. Si le puits canadien permet d'abaisser la température intérieure d'un batiment de quelques degrés en été et donc d'accroitre le confort, il permet aussi de réduire les déperditions liées à la ventilation. Comparé à une ventilation par simple-flux classique, pour un même débit de ventilation, il permet donc de réduire les besoins en chauffage d'un batiment. Le tableau suivant estime le gain de chauffage apporté par un puits canadien en fonction de la profondeur d'enfouissement des gaines, du diamètre des gaines et du débit de ventilation. Pour un besoin de 120 m3/h de ventilation, si j'installe : * 1 gaine de 50 m, diam = 10 cm, profondeur = 2 m, la réduction des déperditions résultant de la ventilation et donc la réduction des besoins de chauffe est de 834 KWh (perte de charge : 270 Pa) * 2 gaines de 25 m, diam et profondeur identiques, le "gain" thermique est de 2 * 375 = 750 kWh (perte de charge = 69.5 Pa) Ces résultats montrent que la perte de charge augmente sensiblement avec le débit et, dans des proportions beaucoup plus importantes, diminue avec le diamètre de gaine. La perte de charge admissible sera déterminée par la capacité du système de ventilation utilisé (dépression maximale en fonction du débit). Par ailleurs, il est conseillé de ne pas dépasser une vitesse de 5 m/s pour éviter les bruits d’écoulement. La question du remblai des gaines du puits canadien Les règles de l'art veulent qu'une gaine enterrée sous terre soit disposée sur un lit de sable ou de terre fine d'une hauteur minimale de 10 cm. Le fond de fouille doit être exempt de roches, de vestiges de maçonnerie et d'affleurement de points durs. La zone d'enrobage doit de préférence être constituée des mêmes matériaux que le lit de pose. Elle est effectuée par couches successives soigneusement damées, pour recouvrir d'au moins 10 cm la génératrice supérieure du tube. Le compactage doit être réalisé exclusivement sur les parties latérales de la tranchée, hors de la zone occupée par le tube, afin d'obtenir un calage efficace des flancs de la canalisation. Se pose dès lors la question de la conductivité thermique du materiau constituant le lit et l'enrobage. Est-il thermiquement préférable de remblayer avec le terrain naturel débarrassé des graves ou du sable? Quel matériau permet d'assurer un bon échange thermique et donc un bon fonctionnement du puits canadien ? Le graphique ci-contre, extrait de la thèse de Hollmuller P. (2002), montre la conductivité thermique de différents matériaux en fonction de leur teneur en eau. En abscisse, l'on peut lire la proportion volumique d'eau dans le terrain. En ordonnée, la conductivité. On constate que pour une teneur en eau trés faible, l'ensemble des matériaux a une conductivité faible et relativement proche. Dans le cas du sable et du limon, elle augmente de manière importante avec la teneur en eau. Or, une conductivité elevée assure un bon échange thermique et donc un bon fonctionnement du puits canadien. L'utilisation du sable recommandée par le DTU apparait donc être une bonne solution d'un point de vue thermique.
Que préconisent les fabricants de gaines ? Quelles gaines choisir ? Une question qui revient souvent : quelle est la gaine la plus efficace en termes d'echanges thermiques? Sur ce point, on entend tout et son contraire.....A partir des calculs de la notice de dimensionnement d'un puits canadien, nous pouvons apprécier l'effet des différents matériaux. Le graphe suivant illustre le résultat ces calculs.
En conclusion, Les calculs exposés précédemment ne présentent pas de difficultés ni d’originalité particulières. Il s’agit d’une simple application de calcul d’échange thermique par convection forcée à une gaine enterrée. Ils fournissent cependant des critères objectifs utiles pour le dimensionnement raisonné d’un échangeur air/sol dit « puits canadien ». Nous avons d’abord vu que le flux thermique est fonction du débit volumique de l’air dans la gaine et de la différence de température, ce qui est commun à tous les échangeurs. La longueur de gaine nécessaire pour atteindre le flux thermique maximal augmente avec le débit d’air et diminue avec le diamètre de la gaine. Ainsi l’optimisation sur le seul critère thermique pourra conduire à des pertes de charge rédhibitoires pour un système de ventilation usuel. Le choix du diamètre et de la longueur et du nombre de gaine devra se faire en prenant en compte les pertes de charges admissibles. Ainsi comme nous l’avons montré à titre d’exemple, d’un point de vue thermique, il est équivalent d’utiliser deux gaines de 25 m de longueur, plutôt qu’une seule de même diamètre et longueur 50 m, mais la première solution est bien meilleure du point de vue des pertes de charges. La particularité de l’échangeur air/sol réside dans le fait que la différence de température entre l’air entrant et le sol est variable au cours de l’année et dépend de la profondeur d’enfouissement de la gaine. Le sol voit ses variations annuelles de température diminuer de manière exponentielle avec la profondeur. Ainsi le gain en réchauffement / rafraîchissement sera d’autant plus grand que la profondeur est importante. Le gain augmente de manière importante jusqu’à 2 ou 3 mètres d’enfouissement. Au delà, la faible augmentation du gain thermique justifiera difficilement le surcoût de creusement. La variation annuelle de la température en profondeur présente l’avantage de posséder un déphasage par rapport aux variations de température de surface qui augmente lui aussi avec la profondeur. L’échangeur air/sol permet de tirer parti de ce déphasage, en particulier au début de l’automne, moment où le sous-sol atteint son pic de chaleur alors que la température extérieure a déjà baissée. Ce même déphasage est par contre un désavantage au printemps car il contribue à rafraîchir le bâtiment à un moment où cela n’est pas souhaitable. Il est alors préférable d’utiliser un système de by-pass qui permette de ne plus utiliser l’échangeur air sol pendant ces périodes. Un système intéressant consisterait à piloter ce by-pass en fonction des températures respectives du sol et de l’air extérieur et du besoin de chauffage ou de rafraîchissement. Un tel système permettrait en outre de profiter la fraîcheur nocturne en été ou la chaleur diurne en hiver. |
Schéma descriptif
Notre dispositif est, pour la partie enterrée, inspiré d'un kit très complet et bien conçu fourni par un constructeur allemand que nous ne sommes pas arrivés à nous procurer à un prix "correct" en France.
Notre système est constitué de 2 gaines HEKATHERM-HEGLER en polyéthylène de qualité alimentaire de 25 m de long et de 200 mm de diamètre ce qui correspond à la configuration que nous envisagions suite aux calculs de dimensionnement du puits canadien (voir la notice de dimensionnement). L'entrée d'air se fait par une gaine verticale de grand diamètre (400 mm), qui comprend une grille métallique et un filtre pour éviter l'entrée d'éléments indésirables (rongeurs, insectes, feuilles, ...). L'air est ensuite réparti dans les deux tubes horizontaux disposés en parallèle quasiment à la même profondeur. En fin de parcours, les tubes pénètrent dans le sous-sol et sont connectés via deux tés en PVC avec bouchons de visite, la collecte des condensats étant effectuée en partie basse. L'air est ensuite filtré avant d'être distribué dans le batiment via un ventilateur centrifuge de puissance suffisante pour permettre des débits importants nécessaires pour assurer un rafraîchissement efficace en période de forte chaleur.
Le dispositif devait initialement comprendre également un by-pass permettant de prélever l'air directement de l'extérieur sans traverser le puits canadien. Ceci permet d'éviter de rafraichir le batiment lorsque cela n'est pas souhaitable, par exemple en intersaison. Ce by-pass devait être motorisé et piloté par un thermostat extérieur afin d'optimiser le fonctionnement notamment en intersaison. Actuellement, après deux ans de surveillance des températures extérieures et du puits canadien, nous nous interrogeons sur l'opportunité d'investir dans un système de by-pass, couper le ventilateur du puits et ouvrir une fenetre étant peut être une solution plus simple et plus adaptée.
Effet du puits canadien sur les températures intérieure
La répartition des températures intérieures simulées sur une année de la zone "cuisine + salon + salle à manger" montre clairement l'effet d'un puits canadien. Cette zone est la plus sujette au problème de surchauffe en été du fait de la proportion importante de vitrages au sud.
Avec un taux de renouvellement de 0.5 volume/heure, les températures extrêmes disparaissent et permettent de ne jamais dépasser le seuil des 27° C. Sans puits canadien, cette zone ne serait pas confortable pendant 13.4 % du temps où elle est occupée.
Caractéristiques du puits : 25 m de longueur (2 tubes de 20 cm de diamètre) ayant un taux de renouvellement de 0.5 volume/heure.
La mise en place des sondes en photos
L'objectif de cette expérimentation est de mieux comprendre le fonctionnement d'un puits canadien et d'identifier les facteurs qui influent sur ses performances.
A cette fin, 34 sondes de température ont été installées dans et à proximité des gaines, une sonde hygrométrique venant compléter le dispositif. Cette instrumentation se fait en partenariat avec l'INES qui apporte la compétence de son personnel et un soutien logistique (fournitures des sondes, aides techniques, etc.) et que nous tenons à remercier.
Le positionnement des sondes
Phasage de l'expérimentation :
Le remblaiement définitif a été réalisé mi-août 2007. Les mesures sont effectives depuis fin octobre 2007. Le puits était initialement fermé, pour ne pas interférer avec le sol environnant. Il a ensuite été ouvert avec une convection naturelle. La convection forcée sera mis en service en principe durant l'été 2010 avec l'installation du ventilateur et de la distribution à l'intérieur de la maison. Nous pourrons ainsi comparer les différentes configurations: pas de convection, convection naturelle, convection forcée pour voir leurs effets sur la température du sol.
Mesures depuis le 31 octobre 2007 - L'évolution de la température du sol
Ce montage d'images représente l'évolution des températures du sol de la surface à une profondeur de 4.5 m du 1er novembre 2007 au 4 septembre 2008 (une image tous les 10 jours). Le refroidissement depuis la surface est nettement visible dès l'automne avec des fluctuations beaucoup plus réduites en profondeur qu'en surface. Dès fin février, le rechauffement commence en surface alors qu'il n'est visible à 4.5 m de profondeur qu'à partir de mi- mai. Les pics de chaleur en profondeur visiblent sur les deux dernières images correspondent à la décharge du système solaire dans un emetteur en béton enterré.
Attention : ces données ne sont pas librement utilisables
Le cycle rechauffement/refroidissement se reproduit chaque année, le refroidissement commençant sous notre climat dès début août pour ne terminer qu'en février. Le graphe suivant représente l'évolution des températures du sol dans la zone située au nord du batiment de 0.5 m à 5 m avec un pas de 50 cm. En bas, les températures extérieures au sol et à proximité de la maison.
Utiliser le système solaire pour accroître l'efficacité du puits canadien.
Notre objectif est d'utiliser le surplus de notre système solaire combiné pour accélérer le réchauffement du sol en fin d'été et également de réchauffer le mur du sous-sol. Nous avons donc mis en place un "émetteur de chaleur" à 4.5 m de profondeur et à 1.5 m du mur du sous-sol. L'emetteur est représenté en rouge sur les vues en plan horizontal et en coupe verticale.
ll s'agit d'une poutre en béton armé de 0.4 m3 ( 0.3 x 0.3 x 4.7) dans laquelle a été noyé un tube PER d'environ 10 m connecté au système solaire. Afin que le flux de chaleur réchauffe essentiellement le volume de sol à proximité des gaines de puits canadien, une isolation thermique avec un R d'environ 1.9 W/m/K a été placée sur la base et à l'arrière de la poutre. Deux sondes thermiques ont également été noyées dans le béton.
Le distance entre l'émetteur et la gaine de puits canadien et celle entre l'émetteur et le mur du sous-sol sont de 1.5 m, dimensionnées pour un déphasage d’un mois. Nous avons testé l'émetteur dès l'été 2008, à partir du 15 août, et les premiers résultats furent plutôt encourageants. Nous avons donc réitéré l'expérience durant l'été 2009, dès le début du mois d'août et aussi longtemps que le système solaire nous l'a permis. Le graphe suivant représente les périodes de fonctionnement de l'émetteur de chaleur. En rouge et jaune, les températures au sein de l'émetteur. En plus et vert, les températures du sol à 1à cm, 70 cm et 1.3 m de l'emetteur.
Attention : ces données ne sont pas librement utilisables
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